La laideur des mails

man_work_problem_worried_laptopNous sommes entrés dans l’ère de la communication, partout fleurissent les images animées : que ce soit dans le métro, sur internet, sur nos téléphones, sur des présentations de sujets professionnels …. nous baignons dans un monde d’images ou de mise en page. Chaque média, avec plus ou moins de bonheur, tente de séduire notre oeil et souvent en prime, notre oreille.

Alors pourquoi, lorsque j’ouvre mon lecteur de mail préféré, thunderbird, afin de consulter les informations de mes correspondants, s’ouvre à moi un monde terne et d’une insipidité grise ?  Un monde essayant de me repousser avant toute tentative d’intrusion, levant une barrière infranchissable par sa litanie  d' »objets » de messages, lugubrement bordée par des icônes de dossier à l’unique et insipide couleur. Il me faut combattre l’envie de fuir, de m’évader ailleurs.

Et si j’arrive à m’armer de courage, vient alors l’épreuve ultime: vérifier que les dizaines de messages inintéressants que m’envoient des entreprises ou associations, sont effectivement à mettre à la poubelle…. opération indispensable pour sauver les quelques vraies informations qui se déversent dans le flot du bac des spams alors qu’elles ne devraient pas y figurer.

Cette tâche fastidieuse condamne à lire pendant de longues minutes un texte inintelligible composé de phrases inachevées, texte aggravé par le parcours en diagonale et le clic rapide « de machin, dernière minute…., dear , profiter, Réserverchic, Formadis, voyages, really exceptional,  sauver les, douceur de peau, en mouton ,lundi 20, scandale, cafetière » ….. à vous donner l’allergie au français et à l’anglais. Rien que d’évoquer cette corvée, la nausée m’en revient! Quel prix à payer pour la maigre satisfaction d’avoir exhumer les quelques lignes qui m’étaient réellement utiles. La tristesse de l’alignement de ces en-têtes inodores détruit souvent en moi tout début de motivation d’agir, rendant l’exercice encore plus long et démoralisant lorsqu’enfin je m’y attelle.

mails_ennuisAu sein des entreprises, ces spams externes sont remplacés par des spam internes d’informations que l’on juge absolument indispensables que vous lisiez… et qui vous sont imposées par défilement, au rythme de la molette de la souris, d’un chapelet ininterrompu de signes noirâtres, chapelet aussi séduisant qu’une poubelle débordante de restes indifférenciés.

Un ami proche a été absent pendant un an de son entreprise. A son retour une vague de plus de cinq mille mails généraux l’attendait, alignés les uns derrières les autres dans une longue série de pages monotones lui délivrant le même message implicite  « te voilà de retour dans le monde du sérieux, du pas attractif. Au cas où tu l’aurais oublié et que tu te réjouirais de revenir travailler, nous te rappelons que le travail demande un effort, le premier est de contempler notre uniformité imbibée d’ennui mortel, et le second est de lire en diagonale quelques uns de ces messages qui te concernent ni plus ni moins que les cent mille autres salariés de ce groupe. Songe aux milliers d’heures que vous perdez tous collectivement à lire même simplement notre titre, mais songe aussi à la satisfaction procurée par ces nombreuses heures supplémentaires dont tu pourras te parer sans avoir réellement effectué un travail productif« .

Lorsque j’arrive enfin à parcourir la monotonie sans grâce de ces listes infinies, lorsque j’arrive enfin à repérer un mail qui m’est vraiment adressé en tant que personne parmi un troupeau restreint de destinataires, je suis définitivement repoussée par la sécheresse visuelle de l’information, sans présentation aucune…. tout cela parait froid et administratif. Les liens soulignés en bleu dans le texte ne me donnent aucune envie de cliquer, ces pâtés défigurent un peu plus une missive déjà fort laide.

A quand la beauté des mails, avec des « objets » sous forme de photos, de tableaux disposés comme une galerie d’art, enchâssés dans un écrin  ou dans des boites à musiques au lieu de ces stupides icônes de dossier? ou faut-il dès aujourd’hui condamner les logiciels de lecture de mails, en les reconnaissant plus polluants pour les yeux que les particules de diesel pour les poumons?